(r) please love me

L’oreiller s’abat sur la tête endormie d’Arthur et quelques plumes s’en échappent. Elles virevoltent quelques, tournoient en montant jusqu’au plafond, puis redescendent doucement, virent vers la gauche, vers la droite. Vers la gauche, vers la droite. Arthur ne se réveille pas, et je donne un deuxième coup, plus fort. Encore des plumes qui s’envolent. Il faut que j’arrête sinon le motel va nous faire payer un oreiller, et je n’ai absolument pas les moyens d’un tel luxe. Mais j’ai enfin réussi à capter l’attention, et je le voix ouvrir les yeux, surpris et probablement contrarié. « Morning sunshine, je dis, un sourire narquois aux lèvres.

Arthur est venu me chercher à la radio hier soir. Sa libido lui ferait faire absolument n’importe quoi, parce que j’ai fini à deux heures du matin, et il m’a attendu patiemment. Je me souviens d’avoir reçu son message, d’avoir souri en le lisant. Je t’attends dehors, disait-il. Dix minutes plus tard, j’étais sorti, et j’ouvrais la portière de sa voiture pour y entrer. Je ne sais pas pourquoi on est allés jusqu’au motel de Lost Wood, c’est loin de Philadelphia et ça empeste le sapin, mais on y est allés quand même. Je me fiche qu’on apprenne qu’on couche ensemble, ça ne vexera personne de toute façon, et certainement pas un connard de ma connaissance… Mais une fois arrivés au motel et enfermé dans notre chambre, ni lui ni moi ne nous sommes préoccupés des environs. C’est toujours comme ça : tout ce qui compte, c’est nous.

Le soleil baigne la chambre quand Arthur ouvre les yeux. C’est plutôt agréable de se réveiller comme ça, plongé dans la lumière blanche du soleil ; c’est même presque irréel, une de ces scènes sorties tout droit d’une série pour adolescents. Moi je suis réveillé depuis quelques minutes déjà, j’ai même eu le temps de me glisser dans mon caleçon et d’enfiler sa chemise, juste pour l’embêter. Il est bien plus costaud que moi, et forcément, je nage dedans. Plutôt satisfait de l’avoir réveillé à coups d’oreiller, je laisse tomber mon arme par terre et me glisse contre lui, entourant son corps de mes jambes et de mes bras. « Oh, tu dormais ? » fais-je, presque convaincant dans le rôle de l’ange.

Étonnamment, Arthur n’aime pas que je le réveille. Mais je n’y peux rien si je suis un gamin impatient qui ne peut pas supporter que d’autres personnes dorment quand je suis éveillé. Et puis réveiller quelqu’un à coup d’édredon a toujours été un de mes rêves absolus, j’ai l’impression d’avoir huit ans de nouveau. N’aimant rien tant que de me comporter en gamin incontrôlable, je serre mon étreinte autour des draps qui enveloppent le corps nu d’Arthur et imprime ma marque sur lui. Je ne pars pas, je semble lui dire. Je suis toujours bien en sa compagnie, et ce matin ne fait pas exception à la règle. Arthur aurait beau être grognon, mal luné, méchant ou acariâtre, je ferais abstraction de son mauvais caractère matinal auquel je m’étais habitué, et je l’amadouerais à coups de baisers et de caresses enjôleuses. « Crevé, crevé, t’es pas si crevé que ça si tu as assez de courage pour attendre que je sorte du travail à deux heures du matin… A moins que tu ne sois en forme que quand ça t’arrange, espèce de pervers. » Taquin, Arthur rêve s’il pense que je ne vais pas lui répondre. Mon sourire satisfait s’étire à présent d’une oreille à l’autre alors que mon amant ouvre enfin les paupières. Je suis parvenu à le tirer de son sommeil, et je n’en suis pas peu fier. Enroulé autour de lui, je ne réponds pas lorsqu’il se plaint que je lui ai volé sa chemise, d’autant que je sais pertinemment que rien ne l’horripile plus que je lui emprunte ses vêtements. Ayant tendance à perdre à peu près tout ce qui me tombe entre les mains, je perds aussi les vêtements qu’il consent à me prêter de temps à autre, et son irritation dans ces moments-là n’a d’égal que mon délice d’être à ses côtés ce matin.

Arthur a désormais entrepris de m’extirper de sa chemise, et je me laisse docilement faire, n’attendant que sa main sur mon torse. « Porter mes fringues n’a pas d’intérêt, je fais ça uniquement dans le but de me faire déshabiller, je rétorque en le regardant d’un air moqueur. Bientôt, la chemise est ouverte et le doigt d’Arthur glisse sur mon torse. Je frissonne au contact de sa main. Je me serre alors un peu plus contre lui et dépose un baiser plus tendre que d’ordinaire dans son cou. C’est décidé, je ne bougerai de ce lit pour rien au monde. Je m’active cependant, et glisse sous les draps, où je pourrai enfin être complètement collé à Arthur, et passe mon bras autour de son ventre, mes jambes enlaçant les siennes comme les doigts de mains d’amoureux. « Merde, dis-je alors en contemplant ses traits tirés, t’as vraiment l’air épuisé. » Je suis triste de constater que ce n’est pas une plaisanterie. « Peut-être que j’ai de quoi te réveiller… » Je grimpe alors à califourchon sur Arthur et glisse ma langue le long de son torse, jusqu’à son cou. « Tu veux que je te laisse dormir ? »