(r) maybe i should cry for help.

**□ INSCRIPTION LE** : 25/04/2014 **□ MESSAGES** : 18

Je l'ai vue, au loin. Elle est assise au comptoir, attendant sûrement que je veuille bien lui envoyer un message, disant qu'elle peut me rejoindre derrière. Mais, aujourd'hui, je n'en ai pas envie. Je n'ai pas la tête à faire l'amour avec qui que ce soit. Pas même avec elle, non. Parce qu'aujourd'hui, on est le vingt-sept avril et que, le vingt-sept avril, c'est le jour que je redoute le plus chaque année, depuis maintenant sept ans. Je me rappelle clairement de l'appel que j'avais reçu cette nuit-là. C'était ma mère, affolée, qui me demandait de venir les chercher, elle et mon père, parce qu'ils n'avaient pas de voiture et qu'on leur avait demandé de venir identifier un corps à la morgue. Son corps. Je ne me suis jamais entièrement remis de la mort d'Ilan. Ou plutôt, devrais-je dire, de son assassinat. Comment peut-on enlever un fils, un père, un frère, un homme tout simplement, d'une façon si cruelle ? J'aurais préféré apprendre qu'il avait été percuté par un camion, un bulldozer ou n'importe quoi. Mais pas ça. Juste pas ça. Je finis quand même par envoyer un message à Coleen, lui priant de bien vouloir me rejoindre. J'ai besoin d'elle, de ses bras si réconfortants, de sentir son souffle chaud dans mon cou. Et, je ne veux personne d'autre, à ce moment précis. J'attends quelques minutes, les fesses posées sur le sol, me demandant comment on a pu en arriver là. Elle. Moi. Ilan. Pourquoi la vie ne trouve-t-elle plus de sens, à mes yeux, depuis qu'il est parti ? Pourquoi ne suis-je pas capable de faire comme lui, épouser une fille de bonne famille et fonder un foyer ? Pourquoi faut-il que je me tape une gamine, sans savoir me détacher d'elle ? C'est illogique, et pourtant, je ne vois pas l'avenir sans elle. Tout comme je ne parviens pas à le voir avec elle. C'est son corps contre mon corps, et non son cœur contre le mien. Je ne sais pas ce qu'elle attend de moi, ni le profit qu'elle tire de cette relation, mais les faits sont là. Elle est là. Et ce, depuis un bon bout de temps déjà. Le claquement de ses chaussures contre le sol me tire de mes pensées morbides. Je relève les yeux et lui fait seulement signe de venir me rejoindre, là, par terre. Aussitôt s'exécute-t-elle que j'attrape son visage entre mes mains pour lui offrir un baiser passionné, passionnel. Je n'ai pas envie de son corps, aujourd'hui, et pourtant, je lui ai demandé de venir. Dérisoire.

Sortant de cours, Coleen salua quelques camarades. La plupart d'entre eux se rendaient dans le parc, à côté de l'université, d'autres rentraient chez eux. Coleen, quant à elle, se dirigeai vers le bar du coin. Elle avait pris l'habitude d'y passer chaque jour après son dernier cours. Oh, elle n'y allait pas pour les boissons, ni pour l'ambiance. Elle y allait pour le gérant. Tobias. Immédiatement, un sourire s'afficha sur le joli visage de la jeune fille. Elle ne l'avait rencontré qu'il n'y a qu'un an, lors de son entrée à Hollis, mais elle était vite devenue accro à lui. Ce qui ne devait être au début que une relation basée sur le plaisir de la chair s'était vite transformée une relation sentimentale. Enfin, du moins pour Coleen. Tobias, ayant onze ans de plus qu'elle, lui avait clairement fait comprendre qu'il ne voulait pas de ça. Pourtant, elle n'avait pas pu s'en empêcher. Et maintenant, c'était trop tard, elle était amoureuse de lui. Mais pas seulement. Elle était amoureuse de son sourire, de sa voix. Mais aussi de ses yeux pétillants, de ses mains contre sa peau. De ses belles boucles brunes, de sa barbe de trois jours. Elle aimait passionnément son rire, la façon dont ses yeux se pliaient quand il la regardait, de sa façon de marcher et aussi de son odeur. Rien ne la dégoûtait chez lui, et à chaque fois qu'elle croisait son regard, son coeur battait la chamade.
Poussant la porte du bar, elle alla s'asseoir au comptoir, comme à son habitude. Elle commanda un verre d'alcool et de jus d'orange, comme à son habitude. Et patiemment, elle attendit le sms qui l'autoriserait à rejoindre l'arrière du bar. Coleen attendit longtemps mais elle ne se découragea pas. Tobias avait sûrement des choses à faire avant de la voir. Ou alors, il ne l'avait pas vu entrer. De toute façon, elle allait bientôt recevoir un message. Il allait forcément lui en envoyer un, n'est-ce pas ? Son verre finit, Coleen continua d'attendre. Elle aurait simplement pu y aller d'elle-même, rejoindre son beau roméo. Mais elle ne bougea pas, collée à son tabouret de comptoir. Encore cinq minutes, puis elle partirait. Après tout, elle devait réviser ses cours. Chaque chose en son temps. Une heure au bar, cinq minutes pour le trajet, deux heures de révision et le reste de la soirée à prendre soin d'elle. N'ayant toujours pas reçu de message, elle attrapa sa veste, lança un regard désespéré vers la porte qui menait aux cuisines et se leva. Les études n'attendaient pas. Mais alors qu'elle allait passer la porte du bar, son téléphone vibra. Tobias la priait devenir la rejoindre. Cachant son sourire, elle fit demi-tour et s'engouffra là où personne, à part les employés, n'avait le droit de se rendre.
Le silence était installé dans la cuisine. Elle ne vit d'abord personne et alors qu'elle allait faire rebrousser chemin, elle distingua une jambe qui dépassait du coin. S'en approchant, elle découvrit alors Tobias, assis par terre. L'homme lui fit signe de s'asseoir à côté de lui, ce qu'elle exécuta immédiatement. Mais Coleen n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit, Tobias prenant sa bouche d'assaut. Ses mains musclées contre les joues pâles de la jeune fille, Tobias lui offre un baiser passionné. Aussitôt, elle passa ses mains dans les cheveux bouclés du barman, répondant à cette étreinte. Voilà comment bien finir une journée : dans les bras de l'homme qu'on aimait. Les deux amants se voyaient de moins en moins ces temps-ci, pour une sombre raison que Coleen ignorait. Tobias prenait simplement ses distances. Peut-être commençait-il à se lasser d'une gamine de vingt ans ? C'est vrai, après tout, il avait trente-et-un ans et il restait avec elle, jeune innocente qu'elle était. Brisant leur baiser, Coleen noua leurs mains ensemble et posa sa tête sur l'épaule de son partenaire. Elle se calait contre lui, pour s'assurer que tout ceci était vrai, qu'elle ne rêvait pas. Non, il était bien là. Il était bien à elle. « Comment vas-tu ? » Une simple phrase, à la fois si facile et tellement complexe. Une simple phrase qui résumait parfaitement leur situation.